
En 2025, les régimes matrimoniaux français connaîtront des évolutions significatives, bouleversant les habitudes et pratiques établies depuis des décennies. Ces modifications, issues de la loi de finances 2025 et de plusieurs décrets d’application, visent à moderniser un cadre juridique parfois dépassé face aux nouvelles réalités familiales et patrimoniales. Analyse des changements majeurs qui impacteront les couples mariés ou en passe de l’être.
Refonte du régime légal de la communauté réduite aux acquêts
Le régime légal, qui s’applique automatiquement aux couples n’ayant pas fait de choix explicite avant leur mariage, connaîtra en 2025 sa plus importante réforme depuis 1965. Le législateur a souhaité adapter ce régime aux réalités économiques contemporaines tout en préservant l’équilibre entre protection du patrimoine individuel et construction d’un patrimoine commun.
Désormais, les biens professionnels acquis pendant le mariage bénéficieront d’un statut particulier. Ils resteront propres à l’époux exerçant l’activité, mais donneront lieu à une créance de participation au profit de la communauté en cas de valorisation significative. Cette mesure vise à protéger l’outil de travail tout en reconnaissant la contribution indirecte du conjoint à sa prospérité.
Autre nouveauté majeure : l’introduction d’un mécanisme de rééquilibrage automatique des patrimoines en cas de dissolution du régime. Lorsqu’un des époux aura consacré sensiblement plus de temps aux tâches domestiques et familiales, réduisant ainsi ses opportunités professionnelles, une compensation financière sera calculée selon une formule tenant compte de la durée du mariage et de l’écart de revenus entre les conjoints.
Modernisation du régime de séparation de biens
Le régime de séparation de biens, choisi par environ 30% des couples se mariant aujourd’hui, connaîtra également des ajustements notables. La jurisprudence avait progressivement reconnu l’existence de mécanismes correcteurs pour éviter les situations inéquitables. Le législateur a décidé d’inscrire ces principes dans la loi tout en les précisant.
La grande nouveauté réside dans la création d’un droit à compensation pour contribution excessive aux charges du mariage. Jusqu’à présent, la Cour de cassation refusait généralement d’admettre un droit à remboursement pour l’époux ayant supporté plus que sa part des dépenses courantes. À partir de 2025, un époux pourra demander une compensation lorsqu’il aura contribué aux charges du mariage dans une proportion excédant significativement ses facultés contributives sur une période prolongée.
Par ailleurs, le statut des biens indivis entre époux séparés de biens est clarifié. Les règles de l’indivision sont assouplies, avec notamment la possibilité d’établir conventionnellement des quotes-parts évolutives en fonction de la durée du mariage pour certains biens, comme la résidence principale. Ce mécanisme, qui s’apparente à une forme d’« acquêts différés », permet d’adapter le régime aux situations où un patrimoine commun se constitue progressivement malgré la séparation de biens.
Les experts en droit matrimonial, comme ceux de droits-pharmacie.fr, recommandent aux professionnels libéraux de faire un bilan complet de leur situation matrimoniale avant l’entrée en vigueur de ces dispositions.
Réforme de la participation aux acquêts : un régime revitalisé
Le régime de la participation aux acquêts, souvent présenté comme offrant le meilleur des deux mondes (fonctionnement en séparation de biens pendant le mariage et partage des enrichissements à la dissolution), n’a jamais rencontré le succès escompté en France. Le législateur a entrepris de le moderniser pour le rendre plus attractif et plus simple d’application.
La principale innovation consiste en l’instauration d’un système de calcul simplifié de la créance de participation. Le mécanisme actuel, jugé trop complexe, nécessite d’évaluer l’intégralité des patrimoines initiaux et finaux. À partir de 2025, les époux pourront opter pour un calcul basé uniquement sur les acquêts identifiés, avec une présomption d’acquêt pour tout bien dont le caractère initial ne peut être prouvé par un inventaire rigoureux.
De plus, la gestion des biens pendant le mariage est assouplie, avec la possibilité d’établir par contrat des règles spécifiques pour certains biens stratégiques comme l’entreprise familiale ou la résidence principale. Ces aménagements visent à rendre le régime plus flexible tout en maintenant sa philosophie générale.
Protection renforcée du logement familial
Quelle que soit la forme du régime matrimonial choisi, la protection du logement familial est considérablement renforcée. L’article 215 du Code civil, qui imposait déjà le consentement des deux époux pour disposer des droits sur le logement, voit son champ d’application élargi.
Désormais, toute décision susceptible d’affecter significativement la jouissance du logement familial (hypothèque, mise en location partielle, travaux substantiels) nécessitera l’accord explicite des deux époux, même lorsque le bien appartient en propre à l’un d’eux. Cette extension traduit l’importance accordée à la stabilité du cadre de vie familial.
En cas de séparation, la prestation compensatoire pourra désormais intégrer explicitement un droit temporaire au maintien dans les lieux pour l’époux non propriétaire, particulièrement lorsque des enfants mineurs sont concernés. Cette disposition, qui existait déjà pour les partenaires pacsés, est étendue aux couples mariés sous tous régimes.
Évolutions fiscales impactant les régimes matrimoniaux
Les aspects fiscaux des régimes matrimoniaux connaissent également des modifications substantielles qui influenceront les choix des couples. La fiscalité constitue souvent un élément déterminant dans la stratégie patrimoniale des ménages.
La principale nouveauté concerne le traitement fiscal des avantages matrimoniaux. Jusqu’à présent, ces avantages (comme une clause de préciput ou une clause d’attribution intégrale de la communauté) échappaient aux droits de mutation entre époux. À partir de 2025, les avantages matrimoniaux excédant une certaine valeur seront partiellement soumis aux droits de donation, avec toutefois un abattement spécifique de 50% sur leur montant taxable.
Par ailleurs, le régime fiscal des changements de régime matrimonial est précisé. Les modifications entraînant un transfert de propriété entre époux seront exonérées de droits si elles interviennent après vingt ans de mariage ou en présence d’enfants mineurs. Cette disposition vise à faciliter l’adaptation du régime matrimonial aux évolutions de la situation familiale.
Conséquences pratiques pour les couples déjà mariés
Les couples déjà mariés s’interrogent légitimement sur l’impact de ces réformes sur leur situation. Le législateur a prévu des dispositions transitoires pour éviter toute insécurité juridique.
Les nouvelles règles s’appliqueront automatiquement aux couples mariés sous le régime légal, mais uniquement pour l’avenir. Les droits acquis avant l’entrée en vigueur de la réforme resteront régis par les anciennes dispositions. Pour les couples mariés sous un régime conventionnel, les nouvelles règles ne s’appliqueront que s’ils modifient leur contrat de mariage pour les adopter expressément.
Cette situation pourrait inciter de nombreux couples à procéder à un changement de régime matrimonial en 2025. Les notaires anticipent déjà une augmentation significative des demandes de conseil et des procédures de modification. Il est recommandé aux couples concernés d’entreprendre une analyse approfondie de leur situation patrimoniale pour déterminer l’opportunité d’une telle démarche.
Impact sur les couples internationaux
Dans un contexte de mobilité internationale croissante, le législateur a également précisé les règles applicables aux couples présentant un élément d’extranéité. Le règlement européen sur les régimes matrimoniaux, applicable depuis 2019, est complété par des dispositions nationales visant à faciliter la coordination entre systèmes juridiques.
Les couples franco-étrangers pourront désormais opter plus facilement pour l’application de la loi française à leur régime matrimonial, même lorsqu’ils résident à l’étranger. Cette option devra être exercée expressément dans un acte notarié et pourra être révoquée dans les mêmes formes.
Par ailleurs, la reconnaissance en France des contrats de mariage établis à l’étranger est simplifiée, avec une présomption de validité pour les actes établis conformément à la loi locale, sous réserve qu’ils ne contreviennent pas à l’ordre public français.
Ces évolutions devraient offrir une plus grande sécurité juridique aux couples internationaux, tout en facilitant la gestion de leur patrimoine transfrontalier.
En définitive, la réforme des régimes matrimoniaux prévue pour 2025 constitue une modernisation ambitieuse du droit français. Elle répond aux évolutions sociétales tout en préservant les principes fondamentaux qui structurent notre conception du mariage. Les couples sont invités à s’informer précisément sur ces changements et à reconsidérer, le cas échéant, leurs choix patrimoniaux à la lumière de ces nouvelles dispositions.